[Economie] Responsabilité historique de la SNCF
par pgg.au à 16:46Je viens d'écouter un podcast de BFM du 6 septembre (Grands débats du mercredi: sont-elles responsables de leur passé?) appliquée à la déportation de Juifs pendant la guerre par la SNCF.
J'aimerais apporter une information supplémentaire, mais pour vous introduire le débat je choisis quelques extraits de ce que les participants ont mentionné:
- La SNCF a été reconnue coupable, pour le cas du père d'Alain Lipietz, d'avoir aggravé les conditions de déportation, en ne fournissant pas d'eau et de nourriture à un convoi Toulouse-Paris. C'est ce qui a permis à M. Lipietz de demander des dommages à la SNCF.
- De nombreux cheminots ont bien sûr résisté et fait dérailler des trains.
- Mais il faut aussi noter que des personnels encadrants de la SNCF ont activement aidé cette déportation, de même que les deux syndicats majoritaires dont l'un était "ouvertement nazi" (d'après le participant) et l'autre a laissé approuver.
- Les enterprises de l'époque étaient prises en tenailles entre une logique de gestion (faire tourner son entreprise à tout prix, au risque de travailler pour le Nazisme) et une logique d'éthique (fermer, au risque de licencier les salariés).
- Les enterprises ont un devoir de mémoire, c'est à dire de faire des recherches sur leur passé afin de ne pas laisser triompher une vision "résistante" de l'entreprise en négligeant les autres témoignages.
Je pense que tout le monde a compris que "la Shoah, c'est mal", et vous pouvez estimer que ce procès était un procès "de trop". Certes.
Mais j'aimerais insister sur la responsabilité éthique d'une entreprise sur le long terme. Si on pardonne aux entreprises leur passé, cela ne les incitera pas à vérifier les conséquences de leurs actions sur le long terme. Comment voulez-vous qu'une entreprise se dise aujourd'hui, de manière auto-régulée, "Tiens, je vais arrêter de polluer", si elle n'a pas la peur des représailles à long terme ? S'il y a prescription à 10 ans par exemple, l'entreprise risquerait d'utiliser des produits cancérigènes, dont la preuve de leur nature cancérigène mettra plus de dix ans à venir. Et de se cacher derrière un "on ne savait pas", qui supprime le principe de gestion du risque.
Un corrollaire du problème est: "Et si les actionnaires ont beaucoup changé ?". Evidemment dans ce principe de responsabilité définitive de l'entreprise, ca veut dire que l'équipe d'actionnaires qui a commis la pollution a empoché les dividendes et l'équipe actuelle est tenue pour responsable des fautes des autres. Il y aurait deux manières de le traiter:
-Le cours de l'action doit être évalué en fonction des risques pris par l'entreprise, et ceux qui achètent des actions peuvent, si la preuve de l'éthique de l'entreprise n'est pas apportée, demander que le prix de l'action intègre les risques à venir. Je rappelle qu'un actionnaire est avant tout un investisseur responsable des actions qu'il demande de faire à son entreprise.
-Les nouveaux actionnaires peuvent encore porter plainte pour vice caché à la reprise de l'entreprise si les actionnaires précédents ont sciemment oublié de noter au bilan comptable les risques pris. J'exprime ça avec mes mots mais il doit bien y avoir des notions juridiques qui les synthétisent.
Le dernier point, c'est que plutôt que de fonctionner en termes de responsabilité d'entreprise, on peut demander à l'état de fixer les règles. Par exemple en matière d'éthique, de pollution, etc. Mais tant qu'un ordre mondial n'a pas fixé des règles de régulation, les entreprises conservent la responsabilité de s'auto-réguler.
En 1945, on n'avait pas encore la preuve de ce qui se passait dans les camps de concentrations. Les conducteurs de trains et chefs d'enterprises pouvaient encore se cacher derrière un "je ne savais pas les conséquences" et un "je n'avais pas le choix". En 2006, on n'a pas encore la preuve de ce que peut produire un réchauffement climatique. Mais dans les deux cas, on reste responsable, que l'on soit personne physique ou morale. Et si aujourd'hui on invoquait la prescription pour la déportation, je ne voudrais pas qu'en 2100 on invoque la prescription pour les enterprises d'automobiles, d'extraction d'énergies fossiles et pour tous ceux qui vont au travail en voiture ou qui prennent l'avion sans que cela soit très hautement exigé.
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2 Comments:
Voici bien une réflexion que j'aime à te lire.
Tout d'abord j'ai quelques questions et remarques sur lesquelles tu pouyrras maybe m'éclairer.
La SNCF n'appartenait-elle pas à l'Etat à cette époque ? Ce qui, en dehors de quelques actions confidentielles de la part de quelques résistants, "légitimerait" le comportement de la SNCF qui n'aurait que subir "les ordres directs" de sa direction ?
Mais cela n'excuse pas la non-réflexion, je te l'accorde.
Une remarque ensuite, je te rejoins quand je pense qu'une fois le mal reconnu effectué par l'entreprise à l'époque, il faut plus "chasser" les actionnaires / dirigeants peu scrupuleux, plutôt qu'une entreprise aujourd'hui qui n'a quasiment plus de liens, sauf celui de la mémoire, avec ces événements.
Pour ce qui est maintenant de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises au niveau actionarial, je te rejoins parfaitement sur le positionnement. Et d'ailleurs des petites initiatives voient le jour depuis quelques temps.
Le problème est que n'est pas du tout inclus dans le bilan les informations sur ces risques que l'on voudrait y voir.
Mais comme je le disais des initiatives ont été instaurées pour les grandes entreprises. Ainsi ces entreprises doivent inscrire dans leurs rapports de gestion en matière de dépenses environnementales, par exemple, les pénalités encourues pour no respect de la législation, les dépenses engagées pour prévenir les risques en matière d'environnement, etc. cf pour plus de précisions : recommandations du 30 mai 2001 de la Comission des Communautés Européennes, décret d'application 116 de la NRE, les recommandations du Conseil National de la compta. du 21 octobre 2003.
Le soucis est que il faut pouvoir être en mesure de mesurer, de prendre en compte et de compter les impacts environnementaux, puis les passifs et les actifs environnementaux de l'entreprise ou impactés par l'entreprise.
Malheureusement un "rétrogradage" réside peut-être dans les normes IFRS qui s'imposent en France depuis 2005 aux entreprises côtés (et maybe un jour sur les autres). Ces normes constituent un frein à la comptatbilisation des dépenses d'env. Leur esprit général est en effet de cesser de provisionner les dépenses futures mais plutôt d'amortir les dépenses passées. Quelle bêtise ! car c'est bien l'anticipation et la gestion des risques qui constituent l'enjeu clef de la compta. des passifs env.
Espérons qu'un jour, rapidement arrivé, la valorisation au bilan des actifs naturels possédés ou impactés par l'entreprise sera effective.
Mais il faudra pourvoir apprendre à évaluer à leur juste valeur ces actifs en internalisant au maximum les externalités et ce, non pas sur des moyennes, qui aujourd'hui ne veulent plus rien dire, mais bien sur des valeurs représentant chaque cas particulier.
A ce moment-là c'est bien à l'encontre des actionnaires peu scrupuleux que pourront se retourner les victimes, les pouvoirs publics ou les nouveaux actionnaires.
Source : Grandjean, Vittori
By Vincent BRYANT, at dimanche 24 septembre 2006 à 11:14:00 UTC+2
La SNCF a été condamnée en tant que personne morale et entreprise privée d'après ce que j'ai compris, donc "quelque soit l'actionnaire". Et aujourd'hui, je crois que la SNCF est possédée à 51% par l'état.
J'avoue que j'ai eu cette réaction suite à des discussions sur Wikibéral où j'ai pu discuter avec des ultra-libéraux. Ils estiment que les entreprises peuvent auto-réguler les risques environnementaux par la gestion du risque judiciaire. Et ce sont les mêmes qui disent qu'il n'y aura pas de pic de Hubbert. C'est particulièrement pour ceux-là que je souhaite que n'existe pas le droit à l'oubli.
Sinon merci pour ton ouverture sur l'IFRS, je ne savais pas ;-) !
By pgg.au, at dimanche 24 septembre 2006 à 11:41:00 UTC+2
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