[Environnement] Et comment prétendre défendre l'intérêt général en faisant tout l'inverse
par Vincent BRYANT à 21:05Une fois n'est pas coutume, j'aimerai vous faire part ici d'un jugement arrêté et entier vis-à-vis des grèves actuellement en cours dans notre Douce France.
Et croyez bien que ce n’est point l’usager des transport agacé qui s’exprime mais bien le citoyen inquiet de comportements collectifs allant à l’opposé des objectifs dont certains groupes sociaux se prétendent les éternels défenseurs.
Les choses ainsi posées, permettez-moi le raisonnement quelque peu simpliste suivant, mais volontairement décomposé :
- La grève des transports réduit considérablement (90 TGV sur 700 pour la seule journée du 14/11/2007 à titre d’exemple) l’offre de transports en commun française ;
- Les transports en commun déplacent chaque jour des millions d’individus que ce soit localement comme nationalement ;
- Donc des millions d’individus ne vont pas pouvoir se déplacer en période de grève en transport en commun durant ces périodes de combat social ;
- Or ces individus ainsi démunis souhaitent tout de même se déplacer durant cette période pour des raisons aussi bien personnelles que professionnelles ;
- Donc ces individus vont se reporter sur des moyens de transport motorisés individuels et autonomes, en première place desquels on trouve l’automobile ;
- Or les transports motorisés individuels sont bien moins efficaces énergétiquement (pris globalement pour une population donnée) et bien plus émetteurs de Gaz à Effet de Serre que les transports en commun ;
- Donc les grèves des transports en commun sont des catalyseurs de pollution et constituent un véritable non sens énergétique et environnemental.
Cette petite plaisanterie représente selon des estimations très prudentes la bagatelle de 10 000 tonnes de CO2 émis en plus par jour rien que pour l’Ile-de-France, charmant !
Je vous épargne le raisonnement qui tendrait à prouver que ces actions menées par tous types de collectifs (syndicats, partis politiques, salariés d’entreprises publiques ou semi-publiques, etc), qui se targuent de défendre les intérêts sociaux du plus grand nombre, font en réalité exactement l’inverse.
Je vois d’ici les réponses outrancières à l’égard du raisonnement ci-dessus déroulé car donnant l’impression d’empêcher l’expression de l’un des droits les plus fondamentaux qu’est la grève.
Mais qui a dit qu’il fallait remettre en cause ce droit ? Ce qui est pointé ici est l’expression de ce droit. N’y aurait-il pas d’autres manières de faire grève ? – n’étant pas spécialiste des questions sociales, je ne me permets pas de faire des propositions sur la pertinence ou non des négociations par rapport aux grèves.
Mais allez, j’apporte ma contribution de fauteur de trouble : pourquoi ne pas laisser un libre accès total et gratuit aux transports en commun les jours de grèves ? Ne pas faire payer les billets de train, etc ? il est fort à parier que ce serait bien plus efficace pour se faire entendre. De plus cela resterait cohérent avec la nécessité de maintenir le service public à destination des usagers et surtout permettrait de ne pas envoyer des millions de voitures, motos et autres modes de transport motorisés individuels sur les routes de France.
Pour finir ce laïus rageur, une petite question : qu’est-ce qui est le plus prioritaire : maintenir un environnement et une société en équilibre pour nous et nos enfants, ou défendre des corporatismes d’un autre âge d’un petit nombre d’individus au dépend du plus grand nombre ?
D’aucuns me dira que mener à bien ces deux causes n’est pas contradictoire, et bien dans l’affaire précitée, l’antagonisme de ces objectifs est parfaitement notoires !
A bon entendeur ...
Libellés : Energie, Environnement, Société
10 Comments:
Pour ta proposition d'action "transports gratuits", qu'on m'a déjà dite 2-3 fois, cela est impossible :
Prenons la SNCF : si un controleur décide ainsi de ne pas controler les billets, il commet une faute professionnelle et s'expose donc à des sanctions pouvant aller jusqu'au licensiement. Idem pour un guichetier qui ne ferait pas payer les billets de train. Tandis que la grève "ne pas travailler" est un droit reconnu et qui protège +/- de sanctions.
Et le règlement SNCF interdit le départ d'un train dans lequel il n'y aurait pas de controleur.
La situation est très probablement similaire pour la TCL ou la RATP.
Il est clair que cette action serait bien plus efficace et mettrait + facilement les usagers du côté des grèvistes, mais c'est impossible.
Les policiers, qui sont interdits de grève, déposent leur téléphone et leur arme. Témoignage dans Le Monde : "mes supérieurs rigolent bien quand je le fais".
Ou alors ce sont leurs familles qui manifestent pour eux. Mais quel est l'impact d'une pauvre manifestation ?...
Le sujet est complexe.
Pour aller + loin sur l'aspect environnemental, je pense qu'il est aussi difficile de promouvoir le fret en France, car les entreprises sont probablement peu enclines à soumettre leurs délais de livraison à des aléas tels que les fréquentes grèves SNCF.
Par rapport aux "corporatismes d'un autre age", je reste plus circonspect. A discuter autour d'un verre :)
By Pio, at mercredi 14 novembre 2007 à 13:22:00 UTC+1
Bonsoir,
merci pour ta contribution, Pio.
Mais qq remarques tout de même : un règlement, ça se change, non ?
Entre changer un règlement qui permet de faire "plus intelligemment" une grève et émettre 10 000 tonnes de CO2 de plus dans l'atmosphère rien que pour l'Ile-de-France : mon coeur ne balance pas !
Par ailleurs, "impossible n'est pas français", non ?
Je ne vois pas bien le lien entre le fret est les grèves. Ce que je pointais ce n'est pas la part des marchandises aujourd'hui fretisées - part relativement faible comparativement à la route actuellement - mais les usagers particuliers ou professionnels qui utilisent leur voiture (cf les 360 km d'embouteillages recensés aujourd'hui en France) au lieu de prendre les transports en commun.
Enfin, par "corporatisme d'un autre âge", j'entends des préoccupations qui concernent une frange de la population réduite et non représentative quelle qu'elle soit et SURTOUT qui vont à l'encontre de l'intérêt général.
Je ne parle même pas de la pertinence ou de l'équité qu'il y aurait à ce que proportionnellement à la pénibilité du travail exercé chaque citoyen travaille autant les uns que les autres. Ca c'est un autre débat.
Mais sur l'aspect environnemental, je pense que l'on est d'accord.
Amitiés,
Vincent
By Vincent BRYANT, at mercredi 14 novembre 2007 à 20:59:00 UTC+1
La question a été posée il y a quelques jours par Sud-Rail et la Fédération des usagers des transports et des services publics (FUT-SP), qui ont réclamé "une table ronde Etat-entreprises de transport-syndicats-usagers" pour faire reconnaître une telle forme de grève. Les deux organisations s'appuient sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) du 17 juillet dernier, selon lequel "le ralentissement de travail" d'agents de péage turcs ayant le statut de fonctionnaires, qui avaient quitté leur poste et permis aux automobilistes de passer sans payer, "pourrait être considéré comme une action collective d'ordre général dans le contexte de l'exercice des droits syndicaux".
Cependant, la SNCF ne fait pas la même analyse de ce qu'elle juge comme un "cas d'espèce". Lors d'une grève en 1989, alors que les contrôleurs avaient refusé en masse de vérifier les billets, la direction de la SNCF avait prévenu que cela constituait "une véritable remise en cause des obligations même du contrat de travail", c'est-à-dire "une faute professionnelle".
Les grévistes qui ont intenté des recours juridiques contre leurs sanctions ont été désavoués.
Comme vous pouvez le constater, le CEDH a plus de pouvoir en Turquie qu'en France!!!
Il ne vous reste plus qu'à déménager...
By Céline Conrardy, at jeudi 15 novembre 2007 à 18:23:00 UTC+1
La raison pour laquelle le règlement ne changera pas est très claire : aucune entreprise n'a d'intérêt à donner le baton pour se faire taper. Je ne vois pas trop la direction décider de changer le réglement : "ok les gars pour ne pas embêter les usagers, pour l'environnement et pour vous permettre de manifester plus efficacement votre mécontentement, on va changer le règlement et ainsi vous fournir une arme redoutable dans nos futurs conflits et désaccords"...
Pour le fret, comme je disais c'était "pour aller plus loin" : c'était simplement une contribution supplémentaire, donc pas de lien direct avec la réflexion de l'article.
By Pio, at jeudi 15 novembre 2007 à 22:34:00 UTC+1
N'empêche, c'est intéressant le cas des agents de péages turcs...
By Pio, at jeudi 15 novembre 2007 à 22:43:00 UTC+1
Je trouve que c'est se limiter les options de dire de qqch que c'est impossible. Ce n'est pas parce que qqch est difficile à mettre en place qu'il est pour autant impossible.
Si notre affaire a fonctionné en Turquie, pourquoi pas en France ?
Des grévistes plus novateurs feraient ce que je propose, ils auraient un blame ou seraient renvoyés, ils porteraient plainte et obtiendraient gain de cause auprès d'un tribunal qui donneraient raison.
Par ailleurs, la SNCF perdrait certainement moins d'argent qu'un jour de grève où il faut rembourser les billets à tout le monde, avec un coût du traitement supplémentaire du remboursement à ajouter au seul prix du billet et au manque à gagner associé.
Enfin, même si ce n'était pas possible, je ne donnais cette option que comme un exemple. D'autres pays (nordiques encore une fois) ont bien trouvé des solutions plus intelligentes, me semble-t-il.
Et puis, face aux 10 000 tonnes de CO2 en plus dans l'atmosphère pour cette plaisanterie (rien que pour l'Ile-de-France), toute autre solution raisonnable serait de toute manière bonne à prendre pour empêcher cette gabégie environnementale. Je sais pas, moi, au hasard : que les grévistes prennent conscience de cet état de fait et changent leur comportement.
La solution n'est peut-être pas collective mais collectivement individuelle.
By Vincent BRYANT, at samedi 17 novembre 2007 à 10:31:00 UTC+1
Les deux seuls médias que j'ai vu pointer du doigt cette semaine cette information des "grèves polluantes" sont : i-Télé (dans l'émission de Thomas HUGUES, "Ca Chauffe") et cet article dans Le Figaro.
By Vincent BRYANT, at samedi 17 novembre 2007 à 19:29:00 UTC+1
Un petit lien pour toi Vincent :
http://grevesdelagratuite.unblog.fr/petition-en-ligne/
By Céline Conrardy, at samedi 17 novembre 2007 à 20:51:00 UTC+1
Je voudrais pas me faire l'avocat du diable mais les transports en communs gratuits, c'est pas gérable. Au moins pas pour les grandes lignes.
Imaginez un annonce telle que celle-ci : grève demain les trains seront gratuits! J'ai envie de voyager gratos, je monte à Paris à Rennes à Lille pour 0€. Les trains seraient tellement blindés qu'aucun ne pourrait circuler. Sans parler des questions de sécurité et d'émeutes ...
By Ludo, at lundi 19 novembre 2007 à 14:48:00 UTC+1
Pour aller dans la lignée de l'article de Vincent...
Je viens de tomber sur cette dépèche http://www.france24.com/france24Public/fr/nouvelles/monde/20071121-greves-sncf-sabotage-voies-tgv-debut-negociation.html
Je suis scandalisé par cette démonstration de crétinerie absolue. J'espère sincèrement que les grévistes ne sont pas à l'origine de ces sabotages. Inutile de démontrer que c'est l'acte le plus stupide qu'on puisse faire pendant un conflit social.
Pour aller plus loin, faire grève (et surtout aussi longtemps et en paralysant les réseaux), c'est :
- plomber l'image et l'attrait du service public de transports en commun ("toujours en grève"),
- freiner son développement (RIP le fret-SNCF, impact des coûts de la grève sur le budget de l'entreprise publique)
et donc, sur le long terme aussi, freiner le transfert vers des moyens de transports alternatifs.
Un point positif: les gens découvriront peut être que la trotinette, la marche ou le vélo, c'est pas si mal pour aller au boulot !
Pour rebondir sur les syndicats nordiques (je suis en Suède actuellement), attention à ne pas tout mélanger. Avec un degré de syndication de 80% dans le milieu ouvrier, les syndicats suédois sont bien plus légitimes, donc plus influents politiquement, et les conflits se règlent "en amont". Alors, pour moins de grèves, plus de syndicats ?
> Alexis
INSA 4è année, en échange à Stockholm, et ami de Vincent. ;)
By -, at mercredi 21 novembre 2007 à 12:17:00 UTC+1
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