[Energie] Libéralisation totale des Marchés... Acte 3
par Vincent BRYANT à 11:52Bonjour,
après les actes 1 et 2, logiquement c'est au tour du troisième.
J'aimerai à présent opérer une digression sur ce sujet selon un scope de lecture énergétique et environnementale.
> Pré-requis nécessaires
Il est important de connaître 2-3 éléments pour pouvoir bien cerner ce qui suit.
1. L'Electricité a des caractéristiques spécifiques inhérentes à sa propre nature. Elle ne se stocke pas et par conséquent, la demande doit toujours être égale à l'offre sur le territoire, au risque de perdre le fragile équilibre qui les unit et de subir des délestages en cascade comme nous l'avons vécu en Europe la dernière fois le 4 novembre 2006.
2. La production nationale d'Electricité est schématiquement décomposée en 3 éléments : la base, la semi-base et la pointe. Une représentation de ces éléments peut être donnée par la courbe de consommation quotidienne éditée par le RTE. La base (aussi appelé le talon) est fournie par les centrales à forte capacité de production qui ne se mobilisent et démobilisent pas par rapidement (ex typique : les centrales nucléaires, mais aussi les centrales hydrauliques au fil de l'eau). La pointe est fournie par les capacités de production rapidement mobilisables (centrales Turbine A Gaz, barrages, etc). Et la semi-base est fournie par un mixte des capacités de production entre base et pointe.
3. En économie de marché, le rôle des prix est d’indiquer, non ce qu’a coûté un produit mais ce qu’il coûtera dorénavant, afin d’orienter convenablement les choix durables des consommateurs.
> Que peut-on espérer de l'ouverture des Marchés pour l'environnement ?
1. Optimisation environnementale des centrales de production électriques
Il faut savoir que en France les capacités de production de pointe sont les plus émettrices de CO2 de par leur nature (centrales thermiques au Charbon, Gaz Naturel ou Fioul). Autrement dit l'Electricité produite pour ajuster la demande à l'offre est très polluante. Avec les contraintes sur le prix des matières premières (Hydrocarbures en particulier) et les obligations environnementales (réglementations, taxes, quotas, etc), dans un contexte concurrentiel, les producteurs vont naturellement se positionner sur des segments de production de nature moins à risque quant aux contraintes précités. Ainsi, ils favoriseront à terme les capacités de production les moins polluantes afin de conserver/améliorer leur compététivité. ce qui n'aurait pu évidemment être le cas, dans un contexte purement monopolistique sans faire intervenir une coercition étatique.
2. Responsabilisation des consommateurs 1/2
... par les prix.
Il est très probable que les prix de l'Energie augmentent à moyen terme de manière générale, comme pour les petits consommateurs. Pas parce qu'il y a une ouverture des Marchés, mais parce que les prix en France sont déjà virtuellement très bas (les Tarifs Réglementés), qu'ils ne suivent pas les évolutions de la demande ou les tensions de la production, et surtout car la raréfaction des ressources et les contraintes énergétiques et climatiques feront le reste.
A ce titre, les prix seront un "indicateur responsabilisant le consommateur en lui donnant un signal clair et direct de la rareté des matières premières et du coût environnemental des émissions". Signal qui jouera aussi sur sa consommation propre : en effet, qui dit augmentation des prix, dit baisse de la consommation (cf à ce titre un très bon exemple : le tabac).
3. Responsabilisation des consommateurs 2/2
... par la gestion de leur fourniture et de leur achat.
On fustige souvent l'ouverture des Marchés de l'Energie par le fait que les consommateurs ne connaissent rien à ce domaine, que c'est compliqué et que le mode de contractualisation n'est pas habituel. Quid de l'ouverture des Marchés des télécoms et l'explosion des services internet, voip and co ? On n'y connaissait rien non plus il y a quelques années et aujourd'hui chaque foyer adapte son contrat à son profil de consommation.
On peut raisonnablement penser qu'il en sera de même sur cet aspect pour l'Energie. Chaque année, ou tous les 2 ou 3 ans, le bon père(mère) de famille réévaluera en fonction du profil passé l'abonnement optimum pour la famille en terme de services et de coûts. On peut imaginer ainsi voir apparaître une responsabilisation forte des consommateurs où le sempiternel "Eteint la lumière avant de sortir de ta chambre" sera généralisé. Et tout ça "c'est bon pour la Planète !"
4. Naissance d'une pléthore de services
A l'image de ce que l'on a pu voir sur le Marché des télécommunications (et ce sera là ma dernière comparaison avec ce Marché, donc pas de rapprochement sur la baisse des prix), d'un point de vue économique la libéralisation a permis la naissance d'une multitude de services, d'innovations et de produits à destination des consommateurs pour leur plus grand "bonheur". En ce sens, la libéralisation des initiatives dans un désordre constructif est bénéfique.
On peut alors s'attendre à la même ruée dans le secteur énergétique, dont on aperçoit déjà les premiers effets ces mois-ci (la Poweo Box par exemple). Si on ajoute en plus le facteur convergence des technologies qui devrait largement profiter au secteur de l'Energie, nous devrions voir apparaître sous peu les premiers services d'aides à la Maîtrise de la Demande Energétique des particuliers (cf la dernière initiative de EDF, la Poweo Box, le conseil chez Electrabel, etc).
A noter, que je n'ai pas (encore) déroulé ici les avantages de cette ouverture sur les volets structurels et techniques des réseaux d'acheminement et des effets positifs de la naissance d'un Marché commun Européen, étape suivante, qui auront des effets positifs aussi pour l'environnement mais qui nécessitent, avant tout approfondissement, d'autres pré-requis techniques.
Je reviendrai prochainement aussi sur les notions de rente de rareté et de fourniture d'Electricité à base renouvelable et de leur intérêt environnemental.
De ce point de vue, l'ouverture des Marchés de l'Energie est donc une opportunité pour les causes environnementales et énergétiques, qui a, de plus, l'avantage d'être soutenue par les instances européennes, leurs représentants Neelie Kroes et Andris Piebalgs en tête.
Bien à vous tous,
Vincent BRYANT
PS : en lien, une excellente analyse d'Antoine Pellion, rédacteur à la Fondation Robert Schuman
5 Comments:
Un commentaire qui n'a rien à voir avec le billet...
Je vous recommande de télécharger la barre écolo sur http://ecoloinfo.com/
Je viens de faire recenser Planet-D, il serait bien d'y mettre AC aussi.
En tout cas, l'idée est très bonne.
Céline Conrardy
By Anonyme, at mardi 7 août 2007 à 18:09:00 UTC+2
C'es génial d'avoir les news directement d'une personne du métier ;-) Ca dope la qualité des articles !
Je suis d'accord sur beaucoup de choses, sauf une que je vais citer: "les producteurs vont naturellement se positionner sur des segments de production de nature moins à risque quant aux contraintes précités" => Oui moyennement, il y a forcément des producteurs qui vont se positionner sur les segments "à risques", parce qu'ils rapporteront plus... mais aléatoirement. Il se mettraient à produire uniquement à partir de xx€ le MWh.
Ce qu'on peut espérer en revanche, c'est que les opérateurs répercutent sur les clients finaux ces variations de coûts et leur fournissent des services adaptés. On peut imaginer une "PowerBox" qui se charge de couper le circuit des équipements non-indispensables lorsque l'on atteint des pics de consommation au niveau national.
A part ça, je suis parfaitement d'accord sur le fait qu'élever le coût unitaire du kWh est bon pour provoquer les consommateur à économiser. Surtout que cette augmentation de prix correspond fort probablement à ce que nous payions de toutes façons à travers divers impôts.
Et ta mention de Neelie Kroes me donne confiance car elle n'hésite pas pour autant à taper sur les monopoles abusifs ;-)
By pgg.au, at mardi 7 août 2007 à 19:59:00 UTC+2
Bonsoir,
oui en effet ta remarque est pertinente, particulièrement si l'on considère seuls les facteurs économiques.
On peut imaginer certains producteurs préférant une rente rapide (économiquement viable rapidement), malgré un coût de production élevé. Mais c'est sans compter les contraires coercitives de l'Etat (sur les pollutions locales et / ou sur les émissions de GES associées).
Il n'empêche ils pourront toujours placer ce type d'unités de production. Mais je n'ai jamais dit qu'ils banieront ces unités polluantes (sans contrainte réglementaire), ils favoriseront juste de plus en plus logiquement ce qui est moins risqué.
By Vincent BRYANT, at jeudi 9 août 2007 à 00:17:00 UTC+2
J'aime beaucoup ton idée de "powerbox" qui couperait les équipements "non indispensables" lorsque l'on atteint des pics de consommation national.
Reste une question à poser: quel équipement peut-être considéré comme "non indispensable" pour les ménages français, sachant qu'il pourra être coupé à son insu aux heures où il serait potentiellement le plus utile?
By Adrien JOLY, at vendredi 10 août 2007 à 13:49:00 UTC+2
Salut
Merci pour la contribution.
En réalité, la PoweoBox est un produit commercial de Poweo qui permet de donner des indications en temps réel sur la conso par internet au travers d'un terminal écran LCD, etc.
Mais de manière générale, ces PowerBox, appelées SmartMeter - compteurs intelligents - pourront permettre surtout de proposer des offres de fourniture adaptées au consommateur. Voir cette analyse un peu prudente de SIA Conseil, car ne prenant pas en compte cette technologie dans le cadre d'une évolution haussière des prix de l'Energie.
Ensuite, on peu bien sûr imaginer un habitat domotisé où le compteur intelligent pourrait couper des équipements aps indispensables, mais ça me semble plus compliqué - voire socialement inacceptable à moyens termes. En revanche, ce type de techno existe tout à fait pour l'industrie ou le gros tertiaire. Ce n'est ni plus ni moins que du délestage intégré.
By Vincent BRYANT, at vendredi 10 août 2007 à 19:05:00 UTC+2
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